Portrait Anne-Marie Springer

Anne-Marie Springer, une collection, une histoire de liens

Un lien d’amour infini entre une mère et sa fille. Anne-Marie met au monde il y a 22 ans Zoé. Comment lui dire je t’aime…. Comment lui expliquer l’amour si ce n’est par ceux plus ou moins célèbres, artistes,  poètes, peintres, chanteurs, écrivains, têtes couronnées qui l’ont ressenti et ont osé en laisser une trace. Peu importe la qualité de l’auteur, seule l’émotion de l’intime parle.

Un lien de désir qui naît entre Anne-Marie et une lettre de Napoléon à Joséphine, puis la première acquisition de celle de Juliette Drouet à Victor Hugo plus pour marquer le début de la collection, un amour de 50 ans marqué par plus de dix mille échanges. Ce n’est pas une rareté mais le témoignage d’un amour qui traverse une vie. Puis vient la chasse aux trésors : personne ne connaît Anne-Marie dans ce milieu fermé, elle doit montrer patte blanche, se faire connaître des libraires, des maisons de ventes aux enchères….. Aujourd’hui, il s’agit de plus de deux mille écrits !

Un lien d’amour entre Anne-Marie et sa collection. Elle a commencé par acquérir par des lettres d’amour de couples, légitimes ou illégitimes, puis l’amour s’amplifie vers le lien intime quel qu’il soit entre deux êtres. Elle peut en parler à l’infini de sa collection, connaît chacune de ses lettres, se rappelle comment et où elle les a acquises, le déchiffrage, la retranscription, les périodes qui la passionnent plus que d’autres, l’évolution vers les écrits de notre temps, Edith Piaf, Elvis Presley, Mick Jagger. Evidemment, la question est naturelle. Comment s’exprime l’amour aujourd’hui à l’heure des textos, quelques bribes de mots conservés dans un nuage. Va-t-on collectionner les clefs USB !?

Un lien d’amour entre l’auteur et son destinataire – amour filial, maternel, paternel, passionnel, charnel, amical, une relation intime qui ose rester s’exposer à la lecture d’yeux indiscrets. Anne-Marie fait vivre chaque écrit, en connaît aussi bien l’auteur que le destinataire, leurs environnements, leurs cadres, leurs moments de vie et raconte intensément l’intimité des deux êtres, presque une violation de vie.

Un lien tactile entre la main qui écrit, parfois illustre les mots, et la plume puis le papier.  Verba volant, scripta matent, s’exposer à une interception, à un lecteur voleur. Le même lien entre le lecteur et le papier, le privilège de tenir entre ses mains une page d’histoire, un moment si intime conservé sur une feuille fragile, objet de soins attentifs de Anne-Marie. Seule elle peut toucher le feuillet précieux. Certaines reposent dans des tiroirs d’ébène, quant il s’agit de correspondance, Anne-Marie les fait relier par un artiste.

Les nombreux liens qu’Anne-Marie a noués tout au long de ses recherches, ceux qu’elle crée avec les visiteurs privilégiés de sa collection, les lecteurs célèbres tels Clotilde Coureau, Patrick Poivre d’Arvor. « Une collection est faite pour vivre, être partagée, connue, et même transmise à la génération internet. »

Et enfin un lien entre Anne-Marie et « Lettres intimes : une collection dévoilée », Textuel, 2006, « Amoureuse et rebelle », Textuel 2008, « Lettres d’amants », Textuel, 2009 et le prochain recueil à paraître sur une idée de Gonzague Saint-Bris qu’Anne-Marie a reçu un mois avant sa mort.

Béril Gurdogan